Une ténébreuse affaire

Publié le par mimi58

Une ténébreuse affaire

La lecture des journaux anciens nous apporte, comme celle des journaux actuels, son lot de faits-divers, parfois drôles, parfois dramatiques, mais parfois aussi sans grand intérêt, sauf pour les personnes concernées : il fallait bien remplir les colonnes, afin que les lecteurs en aient pour leurs cinq centimes ! D’assez nombreux suicides y sont également relatés, souvent avec force détails macabres, alors que la presse contemporaine en rapporte assez peu. La vie n’était pas toujours rose, en ce temps-là, et elle ne l’est guère aujourd’hui pour bien des gens, mais le goût des lecteurs a changé, et c’est tant mieux !

Il arrive aussi que la gazette fasse part d’un événement déconcertant, comme celui que le Courrier du Nivernais  rapportait, dans son numéro du 16 avril 1905, avec beaucoup de précautions oratoires, mais sous un titre alléchant et je dirais même racoleur : « Un Cosnois inculpé d’assassinat ». L’événement faisait sensation à Cosne, et toute la sous-préfecture en bruissait. Il faut dire que l’histoire n’était pas banale !

Le gazetier racontait que le 10 du mois, à midi, un jeune tonnelier nommé Delin avait été arrêté chez ses parents par la gendarmerie, puis conduit devant les magistrats de Sancerre. De lourdes charges pesaient sur lui. En effet, une ménagère de Bannay, une vieille dame du nom de Mhun, l’accusait de voies de fait sur sa personne. Le journaliste écrivait qu’« On aurait trouvé au bord du ruisseau de Bannay une femme grièvement blessée », usant du conditionnel tant l’affaire lui semblait incroyable ! Ce conditionnel, que nous retrouvons tout au long de l’article, montre à quel point on pouvait douter de la réalité d’un tel événement. On voit aussi que le titre de l’article était quelque peu abusif !

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Et pourtant, ce garçon de vingt ans était si sérieusement mis en cause par la dame Mhun que les gendarmes de Sancerre, munis d’un mandat d’amener délivré par le Parquet, s’étaient rendus rue de Cours, à Cosne, et avaient interpelé le jeune homme qui vivait là, dans sa famille, puis l’avaient emmené à Bannay afin de le confronter à son accusatrice. Et là, on pouvait se fier au témoignage des voisins ahuris, et à celui des parents dont on imagine l’incrédulité, la stupéfaction, et la douleur, de voir leur fils  partir de chez eux entre deux gendarmes, menottes aux mains…

J’appris, par ailleurs, que la victime avait ajouté, lors de la confrontation avec l’accusé, le grief de tentative de viol. On sait bien qu’il existe des pervers qui s’attaquent à des femmes d’âge respectable, et leur font subir les derniers outrages,  mais cette affaire semblait tout de  même bien extraordinaire. Le garçon et sa famille étaient honorablement connus en ville, et ceci explique sans doute les réticences du gazetier ! Lui-même avait probablement des difficultés à imaginer une situation aussi abracadabrante. Toujours est-il que le jeune homme persista dans ses dénégations, et qu’il fut incarcéré dans l’attente de son procès, tandis que l’enquête continuait.

L’article se concluait par une promesse de tenir les lecteurs au courant de la suite des événements. Néanmoins, le Courrier du Nivernais n’apporta aucune autre information, et ce n’est qu’en juillet de la même année qu’on reparla de cette mystérieuse affaire !

 

En ce temps-là, les tribunaux ne chômaient pas, et dès le 23 juillet, soit trois mois seulement après les faits, le même journaliste (du moins, je le suppose, les articles restant anonymes) pouvait annoncer à ses lecteurs que « la cour d’Assises du Cher [avait] acquitté le sieur Delin, tonnelier à Cosne ». On suppose, au vu de cette décision, que l’enquête n’apporta aucune preuve permettant d’étayer l’accusation. Mais, qu’on songe au traumatisme subi par ce jeune homme et sa famille ! Quant à madame Mhun, on ne sut jamais qui l’avait agressée…

 

 

Publié dans Histoire locale

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